Chambalabamba

Cela fait un petit bout que je suis à Chambalabamba, d’ailleurs je sais pas trop combien de temps et en même temps j’ai l’impression que ça passe super vite. C’est un peu comme Pokara ici, une sorte de trou noir qui t’encourage à rien faire, qui te happe : les jours passent et ne se ressemblent pas toujours, enrobés par une douce torpeur.

Alors Chambalabamba c’est quoi ? C’est une communauté intentionnelle, financée par un américian devenu riche malgré lui. Alors, en principe (en pratique, naturellement, c’est différent). N’importe qui peut venir s’il ou elle s’y sent bien et que les autres “résidents” aussi le sentent bien. Il n’y a pas de règles mais seulement des “accords” communs fondés autour de trois principes : l’harmonie, l’unité et l’intégrité personnelles. Les décisions se prennent de manière informelle lorsqu’il n’y a pas trop de monde ou alors plus formellement avec des techniques de facilitation fondées sur le consensus. Chaque famille ou chaque résident à son propre espace de vie privée et il y a une cuisine commune où, tous les jours de la semaine (sauf le weekend) est cuisiné et dévoré un repas communautaire. Là-dessus, viennent s’ajouter des volontaires qui peuvent rester aussi longtemps qu’ils le souhaitent, mais en général c’est préférable de rester entre un et trois mois. Les volontaires travaillent tous les matins, sauf les weekend, et ils sont (on est) logés dans la maison des volontaires.

En pratique, en tant que volontaires j’ai surtout fait du désherbage. Alors on est censé être content de faire du volontariat parce qu’on apprends plein de choses et tout, mais, pour ma part, mon volontariat aura été la partie décevante. Même d’un point de vue agriculture, j’aurai pas appris grand chose. Par contre les rencontres dans la communauté auront été sympa et intéressantes. Il y a trois familles avec des enfants et deux célibataires qui vivent ici. Plusieurs autres personnes sont en voyages de manière plus ou moins indéterminées. On était 4 volontaires, maintenant 5. Pendant plusieurs semaines j’étais le seul à parler espagnol et anglais alors je me suis retrouvé à être le traducteur de service. Il y a aussi plein d’enfants qui crient et courrent partout. Ils vont à une “école alternative”, dans la communauté, 3 matinées par semaines. C’est une école libre, sans enseignant et, supposément (mais j’y connais rien), fondée sur la pédagogie Montessory.

C’est aussi un lieu végétarien et sans alcool. Enfin j’ai quand même bu quelques canons et fait quelques sorties/fêtes avec certains de la communauté. Le premier vendredi on est allé à Loja (à une heure d’ici) avec Keta et Miguel, voir le festival d’arts de rue. On s’est retrouvé à se balader dans les rues blindées, à voir des amis de Miguel, vers minuit et quelques on a traversé la ville pour allé dans un hangard où il y avait une convention de jonglerie. Il n’y avait que des mecs dans ce hangard, c’était bizarre. Le dimanche les filles de la communauté (entre 9 et 13 ans) organisaient un festival avec des activités de sensibilisation à la protection de la faune maritime. C’était mignon mais il y avait pas grand monde, surtout des amis des gens de la communauté qui étaient probablement déjà convaincu. (Par contre, c’est les volontaires qui nettoient le lendemain, pas les gamines qui organisent… héhé).

Un jeudi, Miguel nous invite chez lui pour faire un Temazcal. Il habitent plus haut dans la vallée. C’est plus sauvage, plus montagnard. C’est beau. On suit une rivière bordée d’arbres, certains en fleurs, les montagnes assez abruptes sur les bords. De loin, on dirait des paturages alpins mais en fait c’est beaucoup plus sec. Et tout en haut commence la “rain-forest”. La maison elle-même est en haut d’une côte bien abrupteet donne sur la vallée. Les pièces sont rustiques mais aérées et belles. Presque tout est fait en auto et éco construction. On s’installe, on se pause puis on va chercher du bois dans la forêt pour chauffer les pierre. Un Temazcal, c’est genre une cérémonie spiritualo-médicinale : l’idée est de se faire suer un bon gros coup (quatre bons gros coups) pour te purifier, te nettoyer et te remettre d’aplomb. Pendant que les pierres chauffent, on chante des chansons. Les enfants entrent pour une première session de hutte à sudation puis c’est le tour des adultes. On commence par prendre une dose “homéopathique” de San Pedro pour centrer notre énergie et nos pensées. Et là commence deux bonnes heures de sueur, parsemées de prières, de chants, de rituels. On va passer quatre portes. Entre chaque on ouvre la hutte et on fait rentrer 7 nouvelles pierres. Donc, en théorie, c’est de plus en plus chaud. La première porte est pour notre enfance, la deuxième notre adolescence, la troisième lorsque l’on est adulte et la quatrième pour notre vieillesse. A chaque porte, on aborde d’autres thèmes pour penser, prier, chanter. Les pierres sont les “abuelitas”, les grand-mères car elles sont si vieilles qu’elles apportent la connaissance depuis l’aube des temps. Le symbolisme de la cérémonie est intéressant et simple. Cela dit, le côté prière me laisse un peu de marbre. En ressortant de là je me sens presque saoul, ça tourne et je suis épuisé.

Vilcabamba est un village très tranquille, avec peu de vie nocturne. Mais le samedi soir, “el cuerpo lo sabe”, faut aller festoyer un peu. On rejoins les amis de Keta et Miguel qui jouent dans un bar. Ca me rappelle les bar en Asie, avec des bouts de toits, des trucs construits un peu à l’arrache (à la raph ?) en hauteur, un feu, une scène, un billard, des bières. La musique est de style “festival latino”, c’est dansant et vraiment bien joué. Après, y a un DJ reggeatone, c’est moins la classe. D’ailleurs le public est divisé entre un groupe (plutôt cosmopolite, dirais-je) venu pour le groupe de musique et le groupe (plutôt équatorien) venu pour le DJ. Même dans la fête on retrouve les divisions sociales locales.

Le dimanche soir, c’est la nouvelle lune, la Shiva Moon. Keta organise une soirée feu Chai, Chillom, Chapati. Tous les hippies de la vallée se rejoignent à Chambalabamba , tous ceux qui ont voyagé ou habité (jusqu’à 30 ans quand même) en Inde, les anciens Sadhus et les habitués des Ashram du Nord. Les Shivaïtes du coin qui se rassemble autour du feu, avec des tablas, un harmonium, des guitares et qui chantent des mantras en fumant des Chilom, en buvant du happy thé et en mangeant des (super bons) chapati. On se croirait à la maison tiens ! Ce même soir, Mazzi, le gérant d’un restaurant de falafel à Vilcabamba, me fait essayer le Rapé, une “médicine” amazonienne. C’est un mélange de tabac, de cendres de certains arbres et de plantes médicinales. Tu te le fait souffler dans le nez à l’aide d’une sorte de serbacane. Ca fait une sensation bizarre genre une froide brûlure qui remonte tout ton cerveau d’un côté puis de l’autre, jusqu’à l’arrière du crâne. Tu pars en flêche loin puis tu lâche une petite larme et ça se calme, et tu te pose. C’est censé être très bon pour te centrer et nettoyer tes sinus. Aussi, le mélange là était censé donner des rêves lucides. Mais c’était une bonne expérience.

Voilà, la vie quotidienne à Chambalabamba. J’y ai pas trouvé ce que je cherchais, mais j’y ai quand même trouvé un petit peu de bonheur, des belles personnes, pas mal de rires et de moustiques. Je pars lundi prochain pour le Pérou et de nouvelles aventures.

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