Chile, le retour

Le nord du Chili, quand on descend en bus en direction de Santiago, c’est… sableux. Du désert, du désert encore du désert. Et puis en bus ça dure bien 25 heures d’aller de Arica à Coquimbo. Comme le Chili c’est ben plus cher que le Pérou, on ne prend pas le bus super confortable qu’on aurait pu prendre, mais comme au Chili même les bus un peu moins chers sont correct, c’est pas pire (on s’habitue au luxe des transports, en effet). Donc on part d’Arica en fin de journée. De nuit, traverser le désert, c’est pas mal parce que, de toutes les façons, y a pas grand chose à voir. Par contre, c’est bizarre parce que vers 1h du matin, quand tu commence à être bien pris dans ton sommeil, le bus s’arrête et traverse une sorte de douane fixe au milieu de nulle part. Pourtant, si je me souviens bien de la carte chilienne, entre Arica et Coquimbo, on est pas censé passer de frontières. Du coup, les bus s’arrêtent au milieu de la nuit, tout le monde descend, on passe les sacs au rayon X et on repart, sans vraiment plus d’explications. Le reste du voyage, vous l’aurez compris, n’est pas palpitant, le paysage défile, monotone et un peu triste. Je suis pas amoureux du désert.

Coquimbo, par contre, c’est une jolie ville. C’est un port commercial et il y a donc un bordel par rue, des machines à sous et des vieux rades. Y a aussi une rue un peu touristique avec des bars et restaurants. Il y a pas foule dans la ville, c’est bizarre. Les maisons montent à l’assaut d’une butte qui forme la colonne vertebrale de la péninsule sur laquelle se situe la ville. Au bout de la péninsule ,des amas de roches se jettent dans la mer. On loge dans un hôtel pas trop cher et très retro dans le centre. Le matin on va aider Camille, Thibault et Pamela à faire le montage du spectacle pour le soir. Enfin “on”, surtout Arthur les aide, moi je sais pas trop quoi faire alors je regarde surtout. Puis, au bout d’un moment, on se lasse et on les laisse pour aller se promener dans les rochers au bout. Un chien tombe en amour avec nous et nous suit partout, grimpe aux rochers et pleure quand il n’arrive pas à nous rejoindre. On reste ainsi quelques nuits puis on laisse Camille à son travail et on décide de partir à Santiago avec Arthur, retrouver l’autre Arthur. On essaye de faire du stop sur la Panaméricaine. On attend, il fait chaud, y a du soleil. On essaye de garder la bonne humeur. Je pense que c’est pour ça que j’aime pas trop le stop : quand personne ne s’arrête, j’ai tendance à les trouver tous trop cons et ça m’énerve. Mais on persiste une bonne heure et demie puis on abandonne, peut-être un peu vite mais voir des centaines de voitures, camions et autres passer devant sans s’arrêter, c’est désespérant. Finalement on prends un bus.

A Santiago, je passe deux jours avec Arthur, je retrouve des amies d’avant, on fait la fête un peu (enfin, on boit beaucoup de Pisco chilien) puis je vais chez Isaac qui habite dans la fameuse Comunidad Ecologica de Peñalolén. Ca me permet de passer du temps avec lui et de visiter cette fameuse communauté. Alors c’est un peu en hauteur, sur les marges de Santiago vers la Cordillère. C’est très vert, les habitants font un effort pour conserver la flore et la faune endémique. On est un peu au-dessus de la ville et de sa pollution. Par contre, pour aller au centre, c’est pas mal loin. Mais la maison est faite en adobe avec goût. La communauté elle-même n’a de communauté que le nom : c’est pleins de portails partout, avec des gardes à l’entrée, une zone commerciale “éthique, bio et gourmet”. Le paradis du bourgeois en 4×4 qui veut vivre dans son bel écrin vert avec une bonne conscience “alternative” : “je vis un peu en décalé, c’est si chic”. C’est assez surprenant cette évolution quand on sait que ça a commencé comme une communauté de hippies socialistes dans les années 1980 et que, par affinité, ça s’est agrandi avec des artistes. Ces nouveaux arrivants sont devenus connus, ont fait venir leurs amis. Et petit à petit c’est devenu une sorte de gated-community bio-écolo.

Je passe des jours sympathiques là-haut quand même, c’est assez confortable. Arthur et Camille me rejoignent chez Isaac. Sylvia, une amie chilienne, vient aussi une journée et on monte à la Quebrada de Macul. C’est une gorge, à portée de pieds de Peñalolén. C’est dans la montagne avec pleins d’arbres et une rivière très belle et fraîche. Il y a du monde qui monte ici, surtout l’été : c’est facile d’accès à la journée et c’est beau. Par contre, c’est un peu crade. Les gens qui viennent laissent tous leurs ordures accrochés dans des sacs plastiques dans les arbres. Un peu en mode “on a tout laissé en ordre derrière nous”. C’est dommage, surtout qu’il y a des panneaux demandant au gens de redescendre leurs déchets un peu partout. Cela dit, on passe une belle journée au soleil (qui tape fort) et dans l’eau (qui rafraîchit). Et puis le soir, c’est le désastre. C’est peut-être un trop plein de soleil, une surdose de vitamine D, ou autre chose, mais je me retrouve malade comme un chien, toute la nuit et les jours suivants. Finalement, je finis par me ressaisir mais reste faible encore un petit bout.

A Santiago, l’été, il y a vraiment pas mal de choses qui se passent. Le weekend du 20 au 22 janvier, par exemple, il y a la Fiesta del Roto Chileno dans le Barrio Yungai. C’est la première fête populaire où je suis allé au Chili la première fois que j’étais venu et que je parlais pas encore espagnol. En 4 ans, ça a bien changé, c’est devenu une grosse fête dans plusieurs rues avec des concerts, de la cueca, du cirque (Pame et Thibault y jouent). Je retrouve des amis que j’avais pas encore vu, qui joue ici, ou qui habitent à côté. Les amis on un peu changé mais pas trop. Y en a une enceinte jusqu’au yeux, un autre en couple, d’autres qui ont changé de style, mais ils sont toujours ben cool. On passe une belle soirée de retrouvailles et de festivité.

Après Santiago et sa communauté écologique de Peñalolén, je voulais aller à Pilen vers Cauquenes, retrouver des amis chiliens que j’avais rencontré en Bolivie et qui on monté une communauté. Mais, en fait, cet été, le Chili brûle, et il brûle bien. Des décennies de politiques agro-forestières industrielles au profit de grandes entreprises internationales qui font pousser de manière intensive et extensive des eucalyptus et des pins ont complètement asséché tout le centre du pays et dès que ça brûle, ça s’arrête pas facilement. Il y a des enquêtes pour savoir si c’est des incendies volontaires ou non mais, en tous cas, c’est catastrophique. Pilen, c’est au milieu de la zone des incendies. Mes amis me disent que leur maison n’a pas brûlé, mais ils ont été évacués à plusieurs reprise, ça brûle tout autour. Je décide donc de pas y aller et je rejoins Arthur et Camille au Sud, dans la région de Panguipulli, à un endroit où j’étais déjà allé avec Larissa et Amanda il y a 4 ans. C’est une belle région de lacs, rivières et termes. Il y a beaucoup de tourisme chilien qui viennent par ici chercher du vert et du frais. On passe une petite semaine à se baigner, camper, boire du rouge et des bières, faire des barbeuc, infuser dans des sources d’eaux chaudes… Des vacances bien sympathiques. L’autre Arthur aussi nous rejoint dans son voyage pour le sud. On se déplace en stop, ça marche mieux qu’à Coquimbo. Les gens ont pas mal de pickups par ici, donc on a toujours une belle vue et un peu d’air frais pour nos déplacement, c’est pas mal ! Presque, ça réconcilie avec les pickups (enfin presque).

On retourne à Santiago quelques jours avant le départ d’Arthur et Camille. Ils sont par ici depuis le mois de septembre alors c’est un peu un grand départ pour eux. Je vais loger chez Sylvia quelques jours et j’essaye de les voir souvent avant qu’ils ne partent. Et le jour fatidique arrive et les adieux sont déchirants. Je m’étais bien habitué à les voir au quotidien, à rigoler et se balader avec eux. Du coup je suis un peu désemparé. Mais je me ressaisi et pour pas sombrer dans l’immobilisme, je décide de filer vers Valparaiso, à Villa Alemana, très précisément, pour rejoindre des amis qui habitent là-bas. Ca fait longtemps que je les ai pas vu. J’arrive chez Rhon, on se promène, on retrouve Pancho et Cathy (encore des gens en attente de bébés…), on rigole bien. Le lendemain on monte dans les collines avec Rhon pour installer le matos. Rhon organisait une grosse fête de psytrance pour lever des fonds pour les victimes des incendies. Déjà en chemin pour monter tout là-haut, on traverse des bouts de collines et de forêts toutes brûlées. C’est beau et triste à la fois. On installe le son, on lance un barbeuc, on boit des bières et on commence la fête. Ca dure jusqu’au lendemain à 13h : il y a beaucoup de DJs qui ont voulu venir jouer gratuitement pour l’événement. Le lendemain on redescent dans la ville et je pars à La Calera passer quelques jours chez Pancho. La Calera, c’est pas beau et y a pas grand chose à faire, mais ça fait du bien de retrouver mon ami et de passer du temps avec lui.

Il me reste plus tant de temps que ça au Chili, je repars le 14 février (oui, les billets d’avion sont moins chers le soir de la Saint Valentin) et je veux encore aller à Valparaiso (la ville même) pour visiter un projet dont Arthur et Camille m’ont parlé puis retourner quelques jours à Santiago voir quelques amis avant de partir pour Lima. Donc je quitte La Calera et je vais à la Bio-Escuela de Valparaiso. C’est un projet qui est encore au début mais le but est de créer un centre communautaire, insérer dans le quartier pour promouvoir l’agriculture urbaine, les infrastructures écologiques etc. L’ambiance est vraiment chouette, les gens doivent un peu faire leur vie et s’insérer comme ils veulent/peuvent dans le projet. Il faut bosser un peu en échange du logement et de la bouffe mais c’est un peu comme on veut. Finalement j’aide à reconstruire un four à pain en argile et je passe l’après-midi les pieds dans la boue. Par contre, au final, à par le couple très impliqué à la base du projet, la plupart des gens ne font pas grand chose pour aider, c’est un peu bizarre.

Et puis c’est le retour à Santiago pour les derniers jours. Je retrouve des amis. Comme je pars bientôt, mes journées sont chargées, contrairement aux derniers moments où j’étais à Santiago où je ne faisais pas grand chose. Je passe du temps avec Sylvia, Paloma, Maud, Thibault et Pame qui me logent, je rencontre de nouvelles personnes… Bref le départ arrive à grands pas et finalement je me retrouve dans l’avion pour Lima avant d’avoir eu le temps de dire “ouf”. Je suis triste de partir. Je pense que c’est l’aspect qui me fatigue le plus dans le voyage : toujours devoir dire au revoir, et repartir vers le plus ou moins inconnu. Cela dit, heureusement, une amie chilienne part aussi à Lima le même jour donc je vais pouvoir passer du temps avec elle là-bas. Et c’est reparti dans le voyage…