Alors la suite !! Je ne sais plus exactement où je m’étais arrêté mais il me semble que le temps était très menaçant sur la petite ville de Panguipulli où nous arrivâmes un soir tard d’une nuit d’été sans étoiles mais avec nuages et petite pluie. Je me suis levé le lendemain, les pieds sous la pluie ce qui fait un réveil presque aussi agréable que les doigts froids de mon cher père sur mes petits doigts de pieds innocents par une matinée d’hiver neigeux. La demoiselle du camping me propose d’aller dans sa cuisine boire du thé pour me réchauffer. On finit par repartir pour Valdivia sous la pluie, violente et persistante… On décide donc, de partir en bus. Le bus jusqu’à Valdivia fut un trajet agréable. Je me suis mis à écouter du Djemdi en regardant le paysage : mon cerveau est parti ainsi dans des circonvolutions enlevées et conscientes, surfant sur les bancs de brumes et naviguant le long des fleuves jusqu’à me perdre dans les nuages de la félicité fatiguée du voyageur heureux. Me laissant porter par le bus et la musique, j’atteins à ce moment un sommet d’ataraxie, un bonheur simple créé par des sensations d’une atmosphère magique et brumeuse.
On arrive à Valdivia et, sur les indications d’une demoiselle rencontrée à la douane de Pirihueico, on file directement à Niebla, fort espagnol du 18e siècle où se déroule actuellement une fête traditionnelle (fiesta costumbrista). On y va : c’est un grand bâtiment de plein-pied où se presse une foule dense qui s’abreuve de Kunstmann (bière réputé la meilleure du pays qui est produite à Valdivia) en mangeant une variété de spécialités locales que l’on s’empresse de goûter avec une avidité de campeur vivant au régime de pâtes et de riz depuis quelques jours. On déguste donc de grandes brochettes de viandes juteuses et tendres, des empanadas de viande, de fromage, des sopaipillas (un énorme galette fritte se mangeant avec une sauce au piment fort bonne) et, pour les filles, des empanadas de fruits de mer mais aussi de saumon. Le tout arrosé de différentes sortes de Kunstmann pour faire glisser le tout vers les tréfonds de nos êtres sublimés par la nourriture. Le tout est un peu lourd, je vous l’accorde, mais c’est fort bon avec de la musique locale jouée par différentes personnes, toutes chaudement applaudies. On va ensuite visiter le fort noyé dans la brume puis on retourne visiter Valdivia. Valdivia est une ville de confluences : trois fleuves se rejoignent et se jettent dans l’Océan après avoir formé un grand nombre de méandres et d’îles. Avec ce temps brumeux et pluvieux, c’est assez beau (tout en étant humide). Ce fut un repaire de pirate et de corsaires. Les gens ici font bien la différence entre les deux mais je pense que dans la réalité, à l’époque, c’est un peu du pareil au même avec comme seule petite différence le statut de fonctionnaire ou de libéraux. Les gens se réfèrent aussi beaucoup aux Conquistadores comme figure d’identification, ce qui étonne beaucoup mes compagnes brésiliennes pour qui la figure du Conquistador n’est pas forcément positive…
La ville de Valdivia baigne donc dans les eaux, ses rivages sont le lieu de sports aquatiques plus ou moins réprouvés par la morale écologiste, avec des lions de mer qui s’étalent de toute leur graisse sur des promontoires où les oiseaux se battent pour avoir les restes du marché fluvial dédié aux poissons et autres traîtrises maritimes. Les maisons sont parfois jolies, d’inspiration allemande. C’est une ville très calme en février mais qui est, paraît-il, foisonnante d’activités et de festivités en mars lorsqu’arrivent des hordes d’étudiants déchaînés qui viennent renverser l’ordre établi dans cette capitale de la Région des Fleuves, siège de l’Université Australe du Chili.
Après s’être baladé dans la ville, on prend un bus pour aller jusqu’à vers San Jose pour rejoindre la famille d’une amie d’Amanda qui habite là tous les étés. On arrive tard, vers 22h et on est très très bien accueillis. Ce sont des gens super gentils, simples, sans prise de tête. Par contre le soir ils mangent pas un dîner mais ils goûtent, ce qui n’est pas dans mes habitudes mais si je voyage, c’est aussi pour l’exotisme !! On a le droit, en plus, à une belle douche bien chaude et un bon lit tout confortable. C’est fout comment, en si peu de temps de voyage, on oubli la douceur agréable du confort bourgeois. Après une bonne nuit de sommeil, ils nous emmènent en voiture jusqu’à la Route 5, la Panaméricaine célèbre et mythique où passent les camions en route pour le sud (ou pour le nord, mais dans l’autre sens !). A ce moment, je fais une expérience toute nouvelle pour moi : faire du stop avec deux filles sous la pluie sur une autoroute où les gens roulent à 120 km/h. C’est une situation où l’on se sent absurde et décalé, un moment de solitude face à la marche du monde et aux trajets des lourds camions. En fait, on attend peu et un camion s’arrête et nous emmène. Un père et son fils d’une petite dizaine d’années qui vont chercher une cargaison à Puerto Montt. Ils sont très sympa et nous déposent très proche de Puerto Varas que l’on veut visiter tant cette localité est réputée pour la beauté de son lac et de ses maisons allemandes. Le problème c’est qu’il fait moche et que cette région est aussi envahie par les touristes (mais étrangers cette fois, non chilien). C’est fort dommage que la vue soit bouchée car au-dessus du lac trônent deux grands volcans majestueux qui rendent ce site tout à fait exceptionnel, enfin paraît-il !! On se promène un peu, puis, à force de bus nous repartons vers Chiloé en passant par Puerto Montt, terminal portuaire de centre sud du Chili.
La traversée se fait sur une mer calme dans un coucher de soleil qui transperce les quelques nuages. Sur le bateau il comment à faire bien frisquet avec un vent à décorner les bœufs ! On arrive à Ancud sous un ciel étoilé magnifique, l’air est pur et cristallin. Un homme à la gare nous propose de nous louer une chambre de sa pension familiale pour la nuit, nous assurant que si le temps est beau, il ne va peut-être pas se maintenir puisque ici, nous dit-il, le temps change du tout au tout en très peu de temps. On se laisse tenter, ma tente étant toute pourrie et celle d’Amanda ne valant guère mieux. On arrive dans la pension, on se pose puis on sort boire une petite bière dans cette petite ville regorgeant sûrement de coins sympathiques. On se promène près de la mer puis on trouve un bar tout décoré, en bois, assez bas de plafond. Il n’y a pas grand monde (en même temps, c’est lundi) mais c’est tranquille. On se pose pour boire notre bière et jouer aux cartes. On se couche vers 1h du matin et après le temps donne raison au tenancier et il se met à pleuvoir des trombes et des trombes d’eau !
On part le matin vers 10h, direction Castro, capitale de Chiloé. Non, cette ville n’a pas été nommée ainsi en l’honneur du Grand Libérateur de l’île satellite de l’impérialisme américain mais en l’honneur de l’ami le plus cher du fondateur de la ville il y un sacré bon nombre d’année. La ville a en effet été fondée le 12 février 1576 et c’est la troisième ville la plus ancienne du Chili. Heureux hasard : nous arrivons, sans le faire exprès, je vous l’assure, le 12 février 2013, jour, donc, pour ceux qui ne suivent pas, de l’anniversaire de la ville. Après quelques véhicules et une bonne heure de stop, nous arrivons donc dans cette ville très réputée notamment pour ses maisons sur pilotis (les fameux Palafitos) qui surplombent les marées de la mer intérieure. Les églises chilotes sont presque toutes classées au patrimoine (soit national soit mondial de l’humanité selon le degré de prestige accordé). L’église de Castro (patrimoine mondial) est un bel édifice en bois, comme le reste des églises chilotes, peint en jaune et violet fluo. C’est un édifice qui surplombe la ville (la loi urbaine locale interdit la construction d’édifices plus élevés : mais le capitalisme triomphe toujours ! Un énorme conglomérat a construit un centre commercial à son image, énorme, qui dépasse de loin la hauteur de l’église, se contentant de payer une amende, faisant fi de la bienséance architecturale en vigueur dans la ville. Ca a fait scandale ! (Mais il paraît que ce genre de pratiques sont courantes ici). On se promène dans cette ville, sur le bord de mer où il y a un marché artisanal et des spécialités chilotes (notamment un truc au poisson, citron et coriandre, qui est pas mal même si j’aime pas la coriandre). C’est un peu le paradis pour des gens comme mère : c’est tout plein de fruits de mer énormes et de poissons divers.
On part en stop vers Cucao en fin d’après-midi. Cucao est la localité qui forme la porte d’entrée centrale du fameux et magnifique Parc National Chiloé. En route, on croise Diego, Sebastian et Carlos, trois très joyeux lurons qui sont en fait nos voisins à Santiago et que les filles connaissent bien. On décide de camper avec eux dans une grange. Avant la tombée de la nuit, on décide d’aller se promener vers le Parc et la plage. C’est un paysage vraiment magnifique, entrecoupé d’ondée pluvieuses bretonnes et d’éclats de soleil rendu magnifique par les nuages qui bourgeonnent dans le ciel. On se promène jusqu’à la tombée de la nuit avant de retourner à la grange où on cuisine en buvant du vin chaud épicé et en chantant et jouant de la musique. Nos compagnons sont en effet des musiciens chevronnés qui adorent chanter et danser tout le temps. L’ambiance est vraiment super bonne. La soirée s’étire jusqu’à deux ou trois heures du matin, heure à laquelle on se couche tous dans l’immense tente des trois gais lurons.
Le lendemain, on repart en stop jusqu’à Puerto Montt où nous arrivons vers 18h après des péripéties d’autostoppeurs que je vous épargnerai. Une fois à Puerto Montt, on a le choix entre essayer de faire du stop dans la nuit pour arriver le lendemain à Santiago, à 1100 km ou bien payer un bus super cher (mais très confortable) pour faire la même chose. On finit par choisir le bus parce que Amanda doit absolument rentrer à Santiago le lendemain puisqu’elle part ensuite au Brésil… C’est ainsi que se termine notre fameuse épopée d’une semaine fort remplie. J’ai vu plein de trucs et c’est vraiment très joli !!