Le petit bus qui va de Cuenca à Vilcabamba est rempli de blancs, à part le chauffeur bien sûr. Ca parle anglais avec un fort accent américain. Il y a surtout des dames d’un certain âge, un peu cucul comme des clichés d’Américaines qui s’extasient des choses simples et sont terriblement condescendantes. Il y a comme un relent de colonie par ici : des gentils petits vieux, un peu bohêmes avec des vêtements de couleur, qui achètent des terrains pour bâtir leur ptit paradis de retraités. “Mais quand même, ces Equatoriens, ils sont fous avec tous ces incendies”, “Et puis cette criminalité…” “Mais on est bien accueillis quand même non ?” C’est très particulier, comme ambiance… Les gens dans la vallée font du yoga, mangent bio, aiment voir des jeunes avec des cheveux longs faire de la musique. Mais ils font aussi grimper tous les prix, pensent connaître tout du monde et ne se mélange pas trop non plus avec ces fameux “locaux”. Un paradis hippie sous perfusion coloniale. C’est joli, il fait chaud et y a des bananiers.
Pendant mon séjour à Vilcabamba, pour l’instant, j’ai plus parlé anglais et français qu’espagnol. Ca me manque de parler espagnol, de rencontrer des gens “normaux”, qui ne pensent pas qu’en termes de nutritions, d’apports de protéines, de santé du corps. J’suis pas venu en Equateur pour me retrouver à San Francisco (bon, c’est de la mauvaise foi parce que je suis jamais allé à San Francisco alors ça se trouve c’est pas comme ça pantoute). Par contre c’est super beau, il fait beau et chaud et je suis un vrai garde-manger pour moustique.
Mais à l’hostal je rencontre quand même des gens sympas : un Uruguayen qui voyage à travers l’Amérique Latine dans tous les sens et fait du volontariat dans les hostal pour pas que ça lui coûte trop cher ; une française qui bosse en intérime et voyage quand elle peut, le tenancier de l’hôtel suiso-italianno-équatorien, une Colombienne rencontrée à Cuenca… Bref il y a une bonne ambiance et on rigole pas mal entre plusieurs bières. Je vais les matins à la communauté faire du volontariat et l’aprem je retourne à l’hostal me poser ou me promener. Une heure aller, une heure retour.
Le weekend, il n’y a pas de volontariat alors je pars me balader avec Isabelle dans les montagnes. En fond de vallée, il fait plutôt sec (surtout qu’il pleut pas alors que c’est censé être la saison des pluies) mais en haut dans les montagnes il fait bien plus humide et la végétation ressemble à une forêt tropicale. On se fait un petit tour un peu pentu : tu pars de 2700m, tu monte tout droit pendant une heure et demie jusqu’en haute de la montagne à 3400m puis tu descend le long de la crête super étroite jusqu’à ce que tu entre à nouveau dans la forêt. En 3h et quelque tu as pu voir tous les étages montagneux locaux, comment ils se déclinent entre la chaleur du bas et le vent bien frais du haut. Si tu as eu de la chance (je n’en ai pas eu), tu auras été attaqué par un ours et un puma, entourés d’oiseaux multicolors qui piallent à s’en rompre les cordes vocales.
La communauté. Il y a un propriétaire général, un Américain d’un bel âge mûr et des familles d’un peu partout en Amérique du Sud (Equateur, Pérou, Argentine, Colombie, Bolivie…) qui habitent sur le terrain. Les volontaires effectuent des tâches variées, allant du désherbage et plantage à, paraît-il, de l’éco-construction. On travaille que le matin, jusqu’à l’heure du repas communautaire végétarien. L’après-midi on peut se baigner, s’amuser, jouer de la musique, travailler, écrire, lire etc. Il y a plein d’enfants qui jouent dans tous les sens et qui vont, trois fois par semaine, à une “école alternative” où ils sont encadrés et font un peu ce qu’ils veulent je crois (faudra que j’explore un peu plus cette école et la philosophie éducative qui la sous-tend). Les gens sont quand même sympa ici, les volontaires sont rigolos mais, encore une fois, pour l’instant, je parle plus anglais qu’espagnol… Je ne pense pas que j’y resterai tout le temps, je vais m’y installer deux semaines ou un peu plus puis j’taperai la route je pense. Je dois repenser ma méthodologie. Aujourd’hui, c’est mardi et c’est le jour où je m’installe à la communauté.
PS : Dans le titre j’ai mis “Vallée de vieux” parce que Vilcabamba est réputée pour être une vallée de gens centénaires et, ce, depuis bien longtemps ! D’où peut-être l’affluence de tous ces gens…